Lorsque le patriarche JACOB sortit de Beer-Cheva pour aller à Harane, il marcha, puis la nuit étant venue
« Il prit une des pierres de l’endroit
la mit sous sa tête
Et se coucha en ce lieu.
Il eut un rêve :
Une échelle était dressée sur la terre
et son sommet atteignait le ciel. »
On raconte que les pierres se disputaient entre elles.
Chacune voulait que ce juste reposât sa tête sur elle .Aussi Dieu rassembla toutes ces pierres en une seule, et alors Jacob put rêver.
L’échelle qu’il vit en songe représente l’ascension de la prière vers les sphères célestes, la montée de la spiritualité : l’union de tous pour un accomplissement collectif.
A La Varenne, à l’instar des pierres de Jacob, chacun s’est disputé l’honneur d’apporter sa pierre personnelle à l’édifice commun.
C’est ainsi que le rêve est devenu réalité car c’est la contribution de TOUS.
Une réussite n’est jamais individuelle .Elle ne peut être que collective pour durer dans le temps.
Elle est soit horizontale, soit verticale.
· HORIZONTALE, lorsque les bonnes volontés se réunissent au même moment pour agir ensemble,
· VERTICALE, pour se poursuivre d’une génération à l’autre.
Cette conception de la vie communautaire s’applique parfaitement au 80ème anniversaire de la Communauté de La Varenne. Je suis persuadé que chaque juif, vivant dans cette belle ville de Saint Maur des Fossés, se considère comme dépositaire d’une tradition, d’un héritage spirituel. Une sorte de témoin, qu’on se passe de génération en génération, avec le souci de ne pas le lâcher et d’aller au bout de la course.
C’est tout ce que vous avez reçu de vos racines, qu’il s’agisse de Tunis, Alger, Casablanca, Varsovie, et bien sûr de St Maur, qui vous a insufflé la force et l’énergie afin de poursuivre cette œuvre collective Vous vous êtes sentis, les uns et les autres, responsables de maintenir la tradition de vos parents pour la transmettre à votre tour à vos enfants.
Par votre présence ici, ce soir, vous êtes la preuve vivante que le travail des bâtisseurs de cette synagogue n’a pas été vain. Vous êtes, en quelque sorte leur récompense.
Certains ont disparu, mais leur souvenir est vivace dans nos cœurs. D’autres continuent à œuvrer avec succès. Désormais, les dirigeants actuels ont fait leurs preuves et préparent déjà la relève pour les nouvelles générations.
Mais je voudrais m’adresser aux nouveaux venus, qui ignorent ce qui s’est passé ici, au cours des 80 dernières années, et leur dire, d’après moi, les raisons du succès de cette synagogue, l’un des fleurons du Consistoire de Paris.
Les voici, d’après moi :
· Le dévouement et l’abnégation des fondateurs de cette Synagogue : Abraham LOEWINSKI aidé par sa petite fille Nelly et Simon GOLDENBERG, soutenu par sa fille Monette, ici présente.
· Le souci de responsabilité vis-à-vis de la Cité, qui se traduit par des rapports d’estime et de compréhension avec tous les élus de St Maur.
· Le sens remarquable d’accueil et de chaleur humaine des différents comités qui se sont succédé à la tête de cette Maison de prières,
· L’investissement personnel de tous ces Présidents bénévoles qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour animer ce lieu et faire en sorte de ne jamais être déficitaire. Comment remercier les REISS, Ignace STEIER, Walter STARK, et plus près de nous Albert MAAREK, Jacques BISRAOR, Hubert SAADA et Michel DLUTO ?
· Le maintien de nos traditions d’origine, qu’il s’agisse de la fête tunisienne d’ YTRO, ou de la coutume ashkénaze du YZKOR et du TACHLICH, qui aujourd’hui sont partagées par tous, dans un même élan de ferveur.
· Le rappel lancinant, à chaque occasion, du nom des enfants raflés, puis déportés vers Auschwitz, sans oublier que l’initiative d’instituer le YOM HASHOAH, le jour du 27 Nissan en même temps que l’Etat d’Israël, est venue de Nephtali WOLF.
· Le charisme des différents rabbins qui, dans cette Synagogue ont su, nous transmettre l’amour de la Torah. Les plus grands d’entre eux sont passés par La Varenne : les grands rabbins KAPLAN, ROITMAN, GOLDMANN, JAIS, KLING, MADAR, puis Michaël AZOULAY. Ils ont été des maitres spirituels et ils ont su attirer à la religion de nombreux fidèles, captivés par leur enseignement.
Permettez-moi, d’avoir une pensée émue pour le couple Albert et Lydia MESSAS, qui a cimenté cette communauté, durant 33 ans, par sa convivialité, sa chaleur et sa disponibilité.
· Chaque synagogue a une âme, une spécificité particulière. Celle de La Varenne, c’était le chant porté par les voix de Nephtali WOLF, qui bouleversait l’auditoire ashkénaze et celle d’Albert MESSAS séfarade d’origine marocaine, chaude et émouvante. Ensemble, ils ont réussi la symbiose entre les 2 traditions pour faire régner l’harmonie pendant les prières.
Chez les juifs, le chant liturgique est partout. Tous les moments de bonheur de notre vie sont bercés par les chants. Ils sont vécus le Shabbat, les jours de fête et à chacune de nos joies. Ils sont issus de la tradition familiale qui nous relie au passé et a permis à tous les exilés de la terre de préserver leur identité spirituelle.
80 ans plus tard, l’esprit de ces hommes et de ces femmes doit subsister. Ils étaient des bâtisseurs d’avenir, car ils avaient compris que tout est fondé sur la relation avec autrui. Accepter la différence, accepter que d’autres puissent penser autrement.
La Synagogue de La Varenne doit rester la synagogue du juste milieu, celle qui accueille tous les juifs, d’où qu’ils viennent, appliquant ainsi le commandement inscrit à son fronton :
« TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MEME «