Un Chabbat à Gondar (ETHIOPIE) par Daniel BARANOUX

Shabbat à Gondar

 

Peu d’organismes proposent des voyages destinés aux Juifs visant à découvrir les sites et les personnalités juives. Lorsque Valiske, petite organisation alsacienne avec laquelle nous avions déjà fait un voyage en Argentine proposa l’Abyssinie juive, nous ne pouvions laisser passer l’occasion.

On connaît la présence en Israël des Juifs d’Éthiopie, les Falashas, et leurs problèmes. On se souvient des opérations Moïse et Salomon, et du film "Va, vis et deviens". À cette heure, il n’y a plus guère de Falashas en Éthiopie, il ne reste surtout que des Falashmuras. Ils se sont convertis au christianisme par la force de leur misère, leur sort n’en a pas été amélioré pour autant. Acceptant une reconversion au judaïsme, ils aspirent désormais à leur alyah vers Israël. Le problème, c’est que parmi eux se sont glissés nombre d’Éthiopiens qui n’ont jamais été juifs, et rien ne distingue les uns des autres.

Récemment, Israël a décidé d’accepter six mille olims éthiopiens. Mais ils sont neuf mille à Gondar et à peu près autant à Addis Abeba. Pour l’immense majorité, originaires de petits villages, ils ont tout vendu pour se rendre dans ces deux villes où ils survivent dans la misère en espérant pouvoir partir.

Notre organisateur nous avait prévenus : apportez leur autant que vous pourrez de vêtements usagés mais en bon état. C’est une soixantaine de kilos que notre groupe de dix-neuf leur a remis un vendredi soir. À part le hazan qui, formé en Israël, pratique l’hébreu, aucun ne parle d’autre langue que l’amharique. Qui plus est beaucoup sont illettrés. Quelques enfants ont appris l’hébreu au talmud thora, c’est avec eux que le lendemain nous pourrons avoir quelques échanges.

Le shabbat matin, nous étions avec la communauté à la synagogue. Un bien grand mot : c’est juste un hangar avec un toit en tôle ondulée et un seul mur contre lequel est logé le hekhal, avec un sepher thora unique importé d’Israël. Pour s’asseoir, simplement des bancs. Il y a peut-être deux cent cinquante personnes, plus de femmes que d’hommes, toutes vêtues uniformément en blanc. Toute leur religion repose depuis des siècles sur le seul Tanakh. Le rite est particulier. Le service se déroule en ghèze, langue aujourd’hui en voie d’extinction, qui leur est commune avec les chrétiens. Mais les émissaires rabbiniques leur ont fait introduire des prières et des nouveautés en hébreu. Dans ces moments, l’officiant prononce un fragment de phrase que l’assistance répète.

Plusieurs officiants se relaient. Il n’y a pas de rabbin permanent. Les hommes et les femmes sont séparés par un rideau, il sera ouvert le temps de la lecture de la paracha. Lorsque le sepher thora a été apporté sur la théba, comme d’ailleurs au retour, les femmes ont poussé des youyous pendant tout le temps du transport. Pour la lecture de la paracha le sepher thora est ouvert, mais les officiants lisent dans des livres en ghèze, sans aucune cantilation. Il n’y aura pas de moussaf.

On aura senti tout au long du service une ferveur et une concentration profondes. Il n’y aura jamais eu le moindre bruit, pas le moindre bavardage. À la fin du service, toute l’assistance chantera l’Hatikva. Puis le hazan fera un kiddouch symbolique en partageant le vin (ou ce qui en tient lieu, je n’ai pas vu ce que contient la bouteille) avec les officiants. Mais le pain sera partagé avec toute l’assistance, et des pains entiers seront distribués. L’office aura duré moins de deux heures et demie.

Nous aurons eu une matinée d’émotion intense. Ne les regardez pas avec dédain parce qu’ils sont noirâtres ; c'est que le soleil les a hâlés. Ce sont nos frères.

 

Daniel BARANOUX


Les dirigeants de la communauté

A droite le Président

 



Le hazan avec son fils

L'ezrat nachim



Les hommes

Port du Sefer Torah